Nantes Révoltée

Actualités en direct, infos sur les luttes environnementales et sociales à Nantes et dans le monde

CHANTAGE, MENACES, MANIPULATION : LA POLICE A RECRUTÉ UN SANS-PAPIER POUR INFILTRER LES GILETS JAUNES

septembre 6, 2020
L’image contient peut-être : une personne ou plus, texte qui dit ’CHANTAGE, MENACES, INTIMIDATIONS LA POLICE A UTILISE UN SANS PAPIER POUR INFIL TRER LES GILETS JAUNES LES SALES MÉTHODES DE LA POLICE’

– En Moselle, de nombreux Gilets Jaunes arrêtés suite à l’infiltration d’un demandeur d’asile par les services de renseignement –

Les Gilets Jaunes de Lorraine ont travaillé pendant des mois pour reconstituer cette affaire : récolter les preuves, des images, des enregistrements, et mettre à jour cette longue opération de chantage à la nationalité pour recruter un indic. Un travail d’investigation poussé et sourcé, qui mérite d’être largement diffusé. Un exilé arrivé dans l’Est de la France a été utilisé pendant des mois par les services de renseignement pour infiltrer à la fois les Gilets Jaunes, les réseaux de sans-papiers, les « anarchistes », et les mosquées ! Le tout en échange d’une promesse de régularisation qu’il n’a jamais obtenue. Plongée dans les marécages hideux de la police française.

INFILTRATION DES GILETS JAUNES

Aidé par des militants associatifs lorsqu’ils arrivent en France en 2018, un homme que nous appellerons B., et sa famille, sont placés en foyer d’accueil à Metz. Peu après, B. reçoit l’appel d’un fonctionnaire de police. Les autorités organisent alors une rencontre dans un véhicule banalisé. Deux hommes lui montrent leurs cartes de fonctionnaires, testent B., et lui promettent la nationalité française en échange de missions d’infiltration.

Dès le début du mouvement des Gilets Jaunes, B. va sillonner les ronds-points de Moselle pour balancer des informations. Un policier lui avait donné un numéro de téléphone pour le contacter « si jamais t’as un truc important à balancer par SMS, s’il y a une action de prévue ». Pendant des mois, les services de renseignements reçoivent des infos de leur indic. B. doit se rendre dans les manifestations de Gilets Jaunes pour incriminer des manifestants : « quand tu vois des trucs intéressants à prendre en photo, tu n’hésites pas, […] des mecs cagoulés qui sont en train de casser quelque chose, n’importe quoi, tu prends avec ton téléphone portable, c’est des mecs que nous on a pu prendre en photo auparavant tu sais, qu’on peut identifier ». L’agent lui demande tout de même de rester prudent : « quand tu vois que ça craint, tu ne te fais pas interpeller hein ? ».

Dans un autre enregistrement, le policier conseille à B. de ne pas se rendre à une manifestation risquée des Gilets Jaunes pour éviter qu’il ne soit « pris dans des endroits où [il] ne doit pas être », vu « qu’il risque d’y avoir de la baston ». B. fait du zèle, il balance de nouvelles personnes, notamment un petit groupe de Gilets Jaunes de Saint-Avold en Moselle qu’il aurait « déjà vu jouer aux casseurs » en février 2019. Il raconte aussi avant une manif : « il y en aura qui vont venir largement plus tôt pour pouvoir passer leurs masques, leurs petites armes… Il y aura de gens de Nancy, de Strasbourg. »

Le flic lui demande d’en « savoir un peu plus par message privé » et de faire « des captures d’écran » des échanges. B. va aussi envoyer les comptes rendus de réunion des Gilets Jaunes, les numéros de téléphones de chaque personne présente dans des groupes de discussion, les plaques d’immatriculation des véhicules et des noms des plus actifs… 

Selon les Gilets Jaunes de Lorraine, les différentes informations données par B. auraient permis « au moins 10 arrestations ». Un bilan particulièrement lourd.

Comment B. a-t-il pu enquêter si largement ? Il faisait le tour des ronds-points de la région où « il vendait du matériel militaire ». Selon un Gilet Jaune du coin. « Il n’était pas très fin », on voyait « qu’il tendait les oreilles ». Mais plus tard, B. écrira au préfet pour vanter les services qu’il a rendu à la police : « après le début du mouvement des Gilets Jaunes, on m’a demandé d’en devenir un et de ne pas être fixe […] je leur vendais de l’habillement militaire sporadiquement à tous les ronds-points désignés : de Strasbourg à Nancy en passant par Metz … Mes informations ont fait attraper les coupables des dégâts et affrontements ».

SURVEILLANCE DES RÉSEAUX D’EXILÉS ET MUSULMANS

Lorsqu’il venait d’arriver en France, le demandeur d’asile avait commencé son travail d’indic dans un campement d’exilés. Il explique à un journaliste du Média : « dans le campement de Blida, dans les foyers de migrants … je devais découvrir leurs futurs méfaits ». Il balance alors les délits commis par certains de ses compagnons d’infortune. Les agents lui demandent aussi « le suivi …[d]es anarchistes » qui aidaient les demandeurs d’asile au sein du camp …

Dans le même temps, il est envoyé occasionnellement dans les mosquées de la région pour « surveiller l’islamisme ». Il aurait ainsi appris à prier « en arabe », ainsi qu’à connaître « leur livre saint, le Coran ». Sa mission est simplement d’aller prier et de rapporter les propos et les tenues portées dans certaines moquées. Les renseignements lui demandent : « L’Imam de Nancy, comment était il habillé ? Quel couleur la djellaba ? ». B. écrit dans un cahier le déroulement du culte, qu’il remet aux policiers.

UNE DÉLATION MAL RÉCOMPENSÉE

« Je souhaitais la nationalité française, on m’a dit que c’était faisable, mais que la première année j’aurais un titre de séjour d’un an – ce que je n’ai pas eu » raconte B. au Média. Pendant le mouvement des Gilets Jaunes, il se voit tout de même offrir un permis de séjour, sur ce qu’il affirme être un ordre direct du préfet. Le permis de séjour éphémère ne règle pas les difficultés de logement, ni l’Obligation de Quitter le Territoire qui plane au dessus de sa famille, et qui permet aux flics de maintenir la pression sur lui.

Lorsque B. raconte ses problèmes à une assistante sociale, il est sévèrement menacé par le policier qui le suit : « désolé, j’aurais du fermer ma gueule ». L’agent lui dit : « les gens qui travaillent pour nous à la préfecture… on est à deux doigts de tout arrêter avec toi ». « Le logement qu’on va te proposer, ne t’attends pas à un cinq étoiles, hein ». Dans cette discussion, B. revient sur un rapport qu’il aurait écrit sur les Gilets Jaunes pour montrer sa coopération. Mais le policier lui même trouve ses délations excessives et lui demande d’arrêter de faire du zèle : « on n’est pas sur un mouvement terroriste ». « Tu n’es pas en position de force » lui assène le flic. « Je n’essaie pas d’être en position de force, mais à protéger ma famille ». Nouvelle menace : « en fin de semaine, tu pouvais être dans l’avion ».

Malgré ses activités d’informateur, la situation administrative de B. ne cesse d’empirer. Il est sous la menace d’une expulsion, attaqué par des groupes de réfugiés qui l’accusent d’être une balance, mal logé … Il doit finalement quitter le pays. Et finit par donner les enregistrements de ses conversations avec la police aux Gilets Jaunes. Aujourd’hui il se cache avec sa famille et tente de revenir en France. L’histoire de B. n’est sans doute pas isolée : combien de cas similaires de délations et d’infiltrations, de manipulation et de menaces sur des personnes fragiles ? Combien de coups tordus de la police politique ?

Didier Martin, qui était à l’époque préfet de Moselle et qui a supervisé toute cette ignoble opération de manipulation d’une famille vulnérable afin de détruire des mobilisations est aujourd’hui préfet à Nantes, depuis le mois de juillet.

A partir du grand travail de Média Jaune de Lorraine

Enquête en plusieurs parties avec les enregistrements :https://www.facebook.com/notes/m%C3%A9dia-jaune-de-lorraine/chantage-%C3%A0-la-nationalit%C3%A9-pour-infiltrer-les-gilets-jaunes/148019473637933/

Un article du Média sur le sujet : https://www.lemediatv.fr/…/revelations-un-indicateur-chez-l…